samedi 15 juillet 2017

Dette, monnaie, banques etc. 2)

La dette publique ressemble à une monnaie mais cette parenté s'est fait quelque peu oublier depuis que le financement monétaire des déficits publics par la Banque Centrale a été interdit.
Qu'est ce qui caractérise la monnaie ? Elle ne verse pas d'intérêt et n'a pas de maturité. La dette publique verse des intérêts et est émise avec une maturité par les gouvernements. Mais la différence est plus ténue qu'il n'y paraît car un Etat "refinance" sans cesse sa dette sur les marchés quand elle arrive à maturité. D'autre part, un État qui émet de la dette dans sa propre monnaie (État qu'on peut appeler "monétairement souverain") peut toujours convertir sa dette en monnaie si sa banque centrale la rachète sur les marchés (en émettant de la monnaie dite "de base"). Dans ce cas, la Banque Centrale reverse les intérêts perçus sur la dette au Tresor et tant qu'elle conserve la dette à son bilan, tout se passe donc comme si l'Etat se finançait par l'émission de monnaie. La banque centrale peut même aller plus loin en effaçant la dette publique de son bilan ("monétisation de la dette"), opération qui semble pour le moment encore tabou au sein des nations avancées, mais qui est presque devenue implicite dans le cas du Japon. En théorie c'est toujours possible tant que l'inflation est sous contrôle (dans le cas du Japon c'est bien sûr le manque d'inflation le problème...).
La possibilité pour la banque centrale d'acheter la dette publique sur les marchés évite toute panique auto-réalisatrice des créanciers: à partir du moment où le créancier sait que le gouvernement qui a émis la dette dispose d'un prêteur en dernier ressort (la banque centrale), il n'est plus soumis au risque de crédit et ne sera pas poussé à vendre de façon précipitée ses titres de dette de peur de ne pas récupérer son capital.
Les banques centrales du Japon, du Royaume-Uni et des États-Unis vont beaucoup plus loin en manipulant les taux souverains à long terme depuis 2010 de manière à ce que les taux réels soient le plus bas possible et que la dette diminue par rapport au PIB sans qu'il soit nécessaire de dégager des excédents budgétaires.
Les États de la zone euro ne sont pas monétairement souverains car ils émettent de la dette dans une monnaie dont ils ne contrôlent pas politiquement l'émission. Les conséquences se sont fait voir notamment dans le cas de la Grèce, où les taux se sont mis à grimper de façon auto entretenue (des taux d'intérêt élèves sur les marchés obèrent la capacité de l'emprunteur à honorer sa dette donc aggravent la panique des créanciers). Pour des Etats comme l'Italie dont la faillite pouvait mettre en danger tout le système bancaire mondial, la panique a été enrayée par la décision de la BCE d'assumer son rôle de prêteur en dernier ressort à partir de 2012. Cependant les taux d'intérêt réels y restent beaucoup trop élevés pour voir la dette baisser en termes du PIB et les efforts d'austérité se relâcher.
Occulter les problèmes monétaires et agiter en permanence le spectre de la dette ont une fonction importante dans le débat public: convaincre les opinions publiques de la "nécessité" de détruire les États-providence et les systèmes de régulation du marché du travail.

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